Le CEA inaugure un centre d’innovation ouvert à Grenoble
Le CEA veut expérimenter de nouvelles méthodes d’innovation. C’est le sens de l’inauguration vendredi dernier à Grenoble du bâtiment baptisé Y.Spot (« Why Spot »). Le centre de recherche veut accroître son activité de transfert de technologies, en proposant un lieu de rencontres et de collaborations aux acteurs économiques et technologiques locaux. Une nouvelle étape dans la conversion du centre à l’innovation ouverte.
C’est au cœur de la presqu’île grenobloise, sur le campus du CEA, que le nouveau bâtiment baptisé Y.Spot Labs a été inauguré le 31 janvier dernier. Les 3300 m2 du site hébergentun atelier de prototypage rapide de type fablab, un showroom d’innovation, ainsi qu’un lieu d’hébergement de start-up. Tout a été fait pour attirer les entreprises sur le site, et les sensibiliser à l’innovation technologique. « Notre objectif est de faire de Y.Spot un espace vers lequel une entreprise a naturellement envie de se tourner lorsqu’elle veut opérer un mouvement stratégique », explique Stéphane Siebert, directeur de la recherche technologique du CEA.
Un lieu de rencontres avec les entreprises
Le CEA veut avant tout utiliser Y.Spot Labs pour amener les entreprises à partager leurs problématiques technologiques. « Nous sommes allés voir de nombreux industriels de différents secteurs applicatifs, et nous nous sommes rendus compte qu’ils avaient des verrous technologiques génériques » indique Nicolas Bédouin, expert de la fabrication additive au CEA. Le CEA veut ainsi centraliser ces « verrous » sur sa plateforme Y.Spot, avant de les faire remonter vers ses laboratoires de recherche. C’est un changement radical de mentalité. « Nous étions très techno-push. Là nous partons des usages » ajoute Nicolas Bédouin. Le CEA souhaite également mettre à profit la visibilité apportée par Y.Spot pour attirer des acteurs moins familiers de la recherche technologique, en l’occurrence, premier rang desquels les PME et les ETI partenaires (voir interview ci-dessous).
Un changement de mentalité
Plus à l’écoute des entreprises, le CEA veut également être plus rapide et plus collaboratif. « Nous voulons aller vite dans la production de POC (proof of concept), pour pouvoir nous planter vite, et changer vite » détaille Philippe Caillol, responsable de l’atelier de prototypage. Inspiré par les méthodes d’innovation rapide du Media Lab du MIT, le centre ambitionne de « passer, en 18 mois, du concept à une solution préindustrielle ». Autre évolution : le CEA semble prêt à impliquer d’autres centres de recherche dans ses projets de recherche si besoin. « Le CEA n’a pas la prétention de tout faire » insiste Nicolas Bédouin. Par exemple l’INPG l’Inria ou l’université de Grenoble pourraient par exemple être sollicités davantage dans l’activité du nouveau lieu.
L’impression 3D est une des premières technologies mises en avant au sein d’Y.Spot. Plusieurs imprimantes sont déjà prêtes à l’emploi dans le « Hub 3DPrint » de la plateforme. HP, cofondateur du Hub, affiche déjà les possibilités offertes par ces technologies. « Nous avons déjà des collaborations avec l’Oréal, Renault, Siemens, GE, Chabloz/Ottobock et Arkema. Nous ne travaillons pas sur du prototypage, mais bien sur de la production de petites séries » précise la présidente d’HP France, Pascale Dumas. Progressivement, Y.Spot proposera d’autres démonstrateurs de technologies aux entreprises partenaires. Signe de cette volonté d’ouverture à « l’écosystème » grenoblois, Y.Spot aura un jumeau d’ici à 2021. Le Y.Spot Partners, financé par Le Crédit Agricole Sud-Rhône-Alpes, la Caisse des dépôts et consignations, et Mutualia Territoires Solidaires, sera, lui, complètement ouvert. Il accueillera des acteurs de la création d’entreprise, des étudiants, des entrepreneurs et le grand public.
Trois questions à Jean-Philippe Bourgoin, directeur adjoint de la direction de la recherche technologique du CEA
A quels besoins la création de cette plateforme répond-elle ?
Le monde de la recherche a ses codes, tout comme celui de l’industrie. Pour bien comprendre et répondre aux besoins des entreprises, il faut mener un travail à l’interface entre les deux mondes. C’est le rôle des chefs de projet innovation. Ces acteurs ont besoin d’outils, d’analyses de marché, de lieux et de méthodes d’innovation. C’est à ces besoins que répond le Y.Spot. Cette plateforme doit permettre de ne pas être bridé par sa culture, mais au contraire de mettre au service de l’innovation le meilleur des deux cultures, recherche et industrie.
Comment préparez-vous les équipes à l’adoption de nouvelles méthodes ?
Nous essayons d’internaliser progressivement, dans la culture des équipes, ces différentes méthodes d’innovation. Et nous essayons de les partager avec les industriels. C’est l’objectif par exemple de la pièce de réalité augmentée, ou du showroom. Nous ne discutons pas de la même façon avec un industriel avec ou sans démonstrateur devant lui. Et ces équipements nous permettent aussi de tester rapidement des idées technologies nouvelles. Pour les PME, les technologies de pointe peuvent être perçues plus comme un risque que comme une solution. Le démonstrateur permet de leur montrer ce qu’une collaboration pourrait leur apporter.
Justement, comment appréhendez-vous le travail avec les PME ?
Nos plateformes en région sont chargées de diffuser nos technologies, d’une part en développant une démarche de prospection vers les PME en lien avec les acteurs des régions, et d’autre part en aidant les PME à définir une solution technique. Nous avons également mis en place les programmes EasyTech, avec l’IRT Nanoélec et le pôle Minalogic, ainsi que le programme EasyPoc lancé avec la région Aura, à destination des PME et ETI. Le programme EasyPoc est financé par la Région. Cela permet de sécuriser l’entreprise dans son processus d’innovation en débutant par une étude de faisabilité. Et cela concourt aussi à renforcer l’excellence scientifique et technologique des solutions qui seront ensuite mises en œuvre.
