Airbus s’associe à Telecom SudParis pour rendre ses réseaux plus intelligents
Airbus Defence & Space a inauguré un laboratoire commun avec Telecom SudParis sur « l’intelligence des réseaux ». Le constructeur souhaite, notamment, rendre les systèmes d’information utilisés dans le domaine militaire plus agiles et plus réactifs.
En situation de combat, les systèmes d’information sont confrontés à la production d’un nombre colossal de données. Face à cette hausse exponentielle, les réseaux informatiques sont contraints d’évoluer. Lors de missions militaires, les réseaux sont soumis à des situations de stress. Afin de protéger les communications, il est indispensable de réagir en quasi temps réel pour garantir le maintien des communications les plus critiques. C’est tout l’objet du laboratoire commun que le constructeur et l’école installée à Palaiseau viennent d’inaugurer.
Airbus Defence and Space développe, à destination notamment des acteurs de la défense, des systèmes d’information particulièrement résilients, capables de résister en cas d’attaque ou de panne informatique. Or, l’afflux de données, généralement sur le champ de bataille, met à mal l’efficacité et la rapidité de ces systèmes. Les réseaux, entre autres les plans de contrôle chargés de les piloter, restaient jusqu’ici très décentralisés et statiques. Dans cette approche où les configurations sont prédéfinies, un même problème génère toujours la même réponse sans tenir compte de l’état actuel de l’ensemble du réseau. « Théoriquement, dans certains cas, ces réseaux peuvent propager les problèmes », rappelle Marc Cartigny, exécutive expert en architecture de réseaux IP fixe et mobile chez Airbus Defence & Space.
Des réseaux distribués et agiles
Le constructeur a évoqué cette problématique au sein de Telecom SudParis. « Je suis membre du comité de recherche de l’école depuis plusieurs années. Un jour, je me suis confié sur les difficultés que nous rencontrions concernant la gestion de réseaux, en particulier à destination de clients militaires », raconte Marc Cartigny. Djamal Zeghlache, professeur à Télécom SudParis et directeur du département réseau et service multimédia mobile, propose alors au constructeur de s’associer pour développer des réseaux plus agiles et autonomes à partir de ses travaux en IA.
Airbus accepte et le laboratoire « Intelligence dans les réseaux » voit le jour en mars 2022. L’objectif de cette structure est de produire des plans de contrôle, plus souples, capables de trouver en quasi temps réel la configuration optimum du réseau grâce à de l’intelligence artificielle et de nouveaux modèles mathématiques. Le nombre de configurations dans un réseau de télécoms peut facilement dépasser 10 puissance 600, un volume proche du nombre de combinaisons possibles au jeu de go. « Nous ne sommes pas sur de l’IA entraînée avec de la donnée, mais plus sur de la stochastique (traitement de données et calcul des probabilités) », précise Marc Cartigny. Les applications IA sont capables, en cas de problème, de proposer une série d’actions qui permettent de retrouver un usage optimal ou quasi optimal des ressources télécom en quelques secondes. La notion de règles prédéfinies disparaît.
Les travaux portent également sur la mise au point de nouvelles architectures réseau, du type NFV (Network Function Virtualization) et SDN (Software Defined Network), mais plus décentralisées, dans lesquelles les fonctions et les services peuvent être déplacés en fonction des besoins.
Nous souhaitons déployer des solutions intégrant ces nouveaux plans de contrôle d’ici à deux ou trois ans
Marc Cartigny
Industrie 4.0 et e-santé
Le laboratoire sera constitué d’une dizaine de personnes, et installé dans les locaux d’Airbus à Issy-Les-Moulineaux. « Nous souhaitons déployer des solutions intégrant ces nouveaux plans de contrôle d’ici à deux ou trois ans. Ils pourraient aussi être utilisés dans le développement de réseaux quantiques », ajoute Marc Cartigny. Ce travail pourrait aider l’école et l’entreprise à diffuser ce type d’architectures informatiques dans d’autres secteurs. La capacité à traiter un nombre croissant d’informations se pose à de nombreux autres domaines, comme les réseaux électriques ou les flux d’autoroutes. « Ce type de travaux va intéresser les acteurs qui ont besoin de réactivité face à leur environnement, comme les acteurs de l’industrie 4.0 ou de la mobilité. Avec l’arrivée de la 5G et de la 6G, ils vont aussi pouvoir se développer dans l’e-santé », prévoit Djamal Zeghlache.