Bertin Technologies veut détecter le Covid-19 dans l’air que nous respirons
Coriolis µ ©Bertin Technologies
Bertin Technologies, filiale du groupe Cnim, se préparait à la guerre bactériologique. C’est finalement contre le Covid-19 que l’entreprise va mener la bataille.
Son arme phare : le Coriolis Nano. Il s’agit d’un appareil, portable, capable de collecter les particules en suspension dans l’air. Une technologie devenue précieuse, depuis que les premières études ont montré la possible présence du virus dans l’air que nous respirons.
Techniquement, un flux d’air pénètre dans l’appareil et les particules sont capturées grâce à un champ électrostatique. Le « biocollecteur » capture des particules de n’importe quelle taille, jusqu’à l’échelle submicronique. L’appareil mesure également le taux d’exposition des individus aux particules, grâce au débit d’aspiration calqué sur le rythme de respiration de l’homme. « Il suffit de le porter plusieurs heures, et vous pouvez savoir si le virus est présent dans l’air autour de vous », résume Bruno Vallayer, directeur général adjoint de Bertin Technologies.
Les particules recueillies peuvent être ensuite analysées en laboratoire, selon la méthode choisie, que ce soit la PCR (polymerase chain reaction ou réaction en chaîne par polymérase), ou l’immunoanalyse, explique Bertin Technologies.
Un projet contre l’anthrax
La technologie a été développée, à l’origine, par le CEA, notamment dans le cadre du programme interministériel de recherche NRBC-E (Nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosifs), dont le CEA est l’opérateur. Le programme, lancé en 2005, permet de financer le développement de technologies pour contrer ces types de menaces.
À l’époque, le souvenir des attaques à l’anthrax amène le gouvernement à demander le développement de biocollecteurs miniaturisés. L’objectif est d’en équiper les équipes de « primo-intervenants », les agents qui arrivent sur les lieux d’une attaque, à l’instar des pompiers ou des soignants.
Le CEA Leti développe un prototype
Le CEA Leti, la branche du CEA spécialiste d’électronique, développe ainsi un appareil capable de capturer des agents pathogènes en suspension dans l’air, type bactéries ou virus. Lorsque le projet parvient à un certain niveau de développement, de TRL 4 ou 5, le CEA se met en quête d’un industriel pour prendre le relais.
Bertin Technologies se manifeste rapidement. Historiquement proche de la DGA (Direction générale de l’Armement), le groupe possède également sa propre gamme de biocollecteurs, baptisée « Coriolis », que cette version miniaturisée pourrait compléter.
En 2014, Bertin Technologies prend en charge le développement industriel du projet, et le Coriolis Nano est finalement lancé sur le marché en 2018.
« La menace biologique n’était pas prise au sérieux »
Développé pour répondre à un besoin militaire, le produit trouve d’autres applications « civiles ». Le groupe le commercialise également pour dans l’agroalimentaire, notamment pour l’élevage, un secteur où l’émergence de nouveaux virus d’origine animale constitue une nouvelle problématique.
Toutefois, le marché de la biocontamination ne décolle pas immédiatement. « La menace biologique n’était pas prise au sérieux », explique Bruno Vallayer. Résultat, la production du groupe stagne autour d’une trentaine d’appareils par an. La crise sanitaire change radicalement la donne. « En deux mois, nous en avons vendu 30 appareils », ajoute Bruno Vallayer.
L’AID pour une version grand public
Aujourd’hui l’appareil est utilisé principalement par les équipes de recherche en santé. « Nous travaillons par exemple avec l’AP-HP qui l’utilise pour surveiller les phénomènes de dispersion du virus dans l’air » explique Bruno Vallayer. Bertin souhaiterait valider définitivement le produit, et lancer une production en série, pour le proposer au grand public. La filiale de Cnim a ainsi répondu à l’appel à projets de l’Agence innovation défense (AID), lancé en mars dernier, dans cette optique.
Olivier Fuchs
« L’appareil fonctionnait pour détecter le virus de la grippe aviaire»
Ses concepteurs sont confiants : « Les virus sont plus petits que les bactéries, mais ils voyagent “en groupe”, ce qui facilite leur détection », souligne Bruno Vallayer. D’ailleurs, l’appareil a déjà été testé pour collecter des virus. « Nous avions déjà réalisé des essais préliminaires encourageants, montrant que l’appareil fonctionnait pour détecter le virus de la grippe aviaire », rappelle Olivier Fuchs, chargé des partenariats industriels au CEA Leti, et qui a participé au transfert du biocollecteur miniaturisé vers Bertin.
Par Florent Detroy
Bertin fait appel à l’AID pour traiter les déchets infectieux
Bertin Technologies a déposé un autre projet à l’Agence de défense et d’innovation, portant sur les dispositifs de traitements des déchets des hôpitaux. La crise du Covid-19 a fait considérablement augmenter le volume de « déchets d’activités de soins à risques infectieux » (DASRI) dans les hôpitaux. En plus de la problématique du stockage de ces déchets, leur transport représente un risque de diffusion du virus. Bertin Technologies est un des leaders des équipements de traitement de ces déchets in situ, via ses machines de la gamme Sterilwave. Ces appareils broient et stérilisent ces déchets pour éliminer le virus. « Nous avons proposé à l’AID de développer pour les hôpitaux une solution mobile, basée sur des technologies existantes », précise Bruno Vallayer.
En février, la Chine avait acquis 16 machines auprès de Bertin Technologies, à destination des hôpitaux de Wuhan.
Ce qu’il faut retenir :
- Bertin Technologies a développé une technologie de détection des virus dans l’air avec le CEA
- Le groupe a demandé un financement à l’Agence innovation défense pour l’adapter au Covid-19
- Le groupe s’impose également sur le marché du traitement des déchets hospitaliers liés au Covid-19