Christophe Haunold (Université Luxembourg) : « Il faut souligner la réactivité et le dynamisme de cet écosystème »

11 avril 2022

Après plusieurs postes à responsabilités dans le domaine de la valorisation, au sein notamment de l’université de Toulouse et de la Satt Toulouse Tech Transfer, Christophe Haunold a rejoint l’Université du Luxembourg il y a deux ans. À la tête du Bureau des partenariats, du transfert de connaissances et de technologies (PaKTT) de l’Université du Luxembourg, il définit et met en place la stratégie du jeune établissement en matière de transfert de technologies. Alors que le gouvernement vient de décider d’une forte augmentation du budget de la recherche, Christophe Haunold détaille pour POC Media les premières actions qu’il a mises en place et revient sur les atouts de l’Université sur la scène européenne.

Pourquoi le projet de l’université du Luxembourg vous a-t-il attiré ?

Je savais déjà que le Luxembourg était très dynamique. Le pays a réalisé des choix scientifiques forts ces dernières années. Je rappelle que le Grand-Duché partage une histoire commune avec certaines régions françaises, celle notamment des mines et de la métallurgie. Le gouvernement a décidé il y a quelques années de se concentrer sur le secteur de la connaissance. Malgré son jeune âge, l’Université a à peine 20 ans, elle a déja obtenu plusieurs reconnaissances scientifiques à l’échelle internationale.

Quel est le rôle de PakTT  ?

Le bureau PakTT (Partnership, Knowledge and Technology Transfer) fonctionne en étoile, au service des trois facultés et des trois centres de recherche interdisciplinaires de l’établissement : l’Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust (SnT), le Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB) et le Luxembourg Centre for Contemporary and Digital History (C2 DH). Mon rôle a consisté à mettre en œuvre la stratégie de PakTT. Certains centres menaient déjà des activités de transferts, à l’image d’un TTO (technology transfert officer). C’était le cas du SnT, où les partenariats industriels sont au centre de son modèle.

Qu’avez-vous mis en place une fois à la tête du bureau PakTT ?

Nous nous sommes fixé deux priorités : réfléchir sur les stratégies de partenariats et le transfert de technologies, et les aligner dans une politique. Nous nous sommes notamment interrogés sur ce que nous voulions réaliser. Par exemple, sur notre possibilité ou non de produire davantage de spin-offs. Nous avons aussi étudié le concept de privilege professor, qui individualise la propriété intellectuelle au niveau du chercheur. Nous travaillons également sur la définition d’une politique de PI au service de notre politique de partenariats et de création de spin-offs. Mais nous n’en sommes qu’au début.

Quand vous êtes arrivé, les chercheurs de l’Université étaient-ils déjà sensibles aux enjeux de la valorisation  ?

Une de nos missions est de les sensibiliser davantage. Nous sommes encore dans des « TRL bas » en termes de sensibilisation. Après, il faut se rappeler que l’établissement est jeune, et qu’il avait d’abord des priorités académiques et scientifiques. Il a commencé par soutenir les recherches au sein des centres, avant de penser au meilleur moyen de les transférer. Ce n’est que maintenant que nous pouvons travailler de manière systématique et plus organisée.

Quelles actions concrètes sont à mettre en place de manière prioritaire  ?

Nous déployons déjà des partenariats avec des entreprises, que ce soit avec des étudiants via des Masters ou des thèses industrielles, ou par l’intermédiaire de chaires. Nous devons communiquer davantage sur nos interactions avec les entreprises et mieux présenter ces outils aux industriels. Côté valorisation, nous avons développé l’accompagnement à destination des chercheurs porteurs de projets, pour les guider vers la réalisation de POC (nationales ou ERC).

Les entreprises ont-elles l’habitude de collaborer avec l’Université du Luxembourg ?

Dans notre environnement, certaines entreprises installées ou proches du Luxembourg, comme Paul Wurth, SES, BGL BNP, PayPal ou ArcelorMittal, sont des partenaires de longue date. Mais de manière générale, les entreprises ont peu l’habitude de travailler avec la recherche publique. L’Université n’est toutefois pas la seule à proposer des partenariats de recherche. Il existe ici trois Luxembourg Institute, des structures comparables à des RTO (Research and Technology Organisations), à l’image du CEA en France, qui collaborent aussi avec des entreprises.

Le gouvernement a annoncé une hausse de 17 % du budget de l’Université sur la période 2022-2025, par rapport à la période 2018-2021. Comment va-t-elle profiter à votre action ?

Elle aura d’abord un impact sur notre effectif. Quand je suis arrivé, nous étions deux au sein de PakTT. Nous sommes six à présent. La hausse va aussi permettre de financer davantage de projets, de thèses, de thèses industrielles ou de POC, grâce notamment aux financements du fonds FNR (équivalent de l’ANR). Plus largement, cette augmentation permet d’irriguer tout l’écosystème et de mettre en place rapidement des actions concrètes. Il faut d’ailleurs souligner la réactivité et le dynamisme de cet écosystème. Récemment, les autorités ont remarqué qu’il manquait un incubateur en biotech au Luxembourg. Une nouvelle structure devrait bientôt voir le jour.

Comment regardez-vous le dynamisme de cet écosystème au regard de vos précédentes activités en France ?

Ce dynamisme est lié à la jeunesse de l’écosystème. En France, les circuits sont encore longs et lourds, ce qui s’explique notamment par la complexité du système, avec les EPIC, les ONR, les universités… Il faut aussi reconnaître que la taille du pays facilite les échanges. Cela montre aussi que l’Europe est le terrain de jeu naturel du Luxembourg. Cela se constate avec l’importance des investissements belges, ou allemands ici, dans les biotechnologies, par exemple. En France, la valorisation demeure très franco-française.

Propos recueillis par Florent Detroy

Retrouvez les autres actualités thématiques de poC média

Inscription Newsletter

Vous souhaitez suivre l'actualité des technologies deeptech ?

Recevez gratuitement une newsletter par semaine

Je m'inscris
Fermer