Coltene Micromega et l’Université de Lorraine développent une limite intelligente « zéro casse » pour prévenir les risques en endodontie
L’entreprise française Micro-Mega, l’un des leaders européens dans la fabrication de dispositifs médicaux innovants destinés à la chirurgie dentaire, s’est associé à la faculté d’odontologie de l’Université de Lorraine et à la start-up La Preuve numérique dans le cadre du programme E-Endo, pour mettre au point une « lime intelligente zéro casse ». Une innovation en matière d’instrumentation endodontique, alliant capteurs et suivi numérique.
« Micro-Mega veut en finir avec le stress pour les praticiens quand ils sont amenés à réaliser des soins sur les canaux endodontiques », annonce Stéphane Claude, directeur général délégué de Micro-Mega, dont le site industriel est implanté à Besançon. « Pour cela, nous travaillons avec l’Université de Lorraine et la start-up La Preuve numérique sur le programme E-Endo, dont la première innovation est une lime endodontique intelligente “zéro casse” à l’intérieur des canaux dentaires. »
L’endodontie est la branche de l’odontologie qui traite l’intérieur de la dent, c’est-à-dire les maladies de la pulpe dentaire et leurs complications. Or, intervenir sur la pulpe dentaire est une source de stress pour les chirurgiens-dentistes : même lorsque tout est parfaitement contrôlé, l’anatomie canalaire d’un patient peut conduire à une rupture instrumentale. Cet aléa thérapeutique est très fréquent et une telle casse a des implications cliniques directes, puisque cela entrave l’accès à la totalité du réseau canalaire et complique la désinfection. Faute d’élimination bactérienne suffisante, le risque d’échec du traitement endodontique, pouvant aller jusqu’à l’avulsion de la dent traitée, est accru.
Détecter les signaux précurseurs et les analyser
« Cet aléa, fréquent et redouté par les praticiens, n’avait jusqu’à présent aucune solution. Nous avons donc envisagé de l’éliminer en analysant la réponse acoustique de la lime elle-même », explique Stéphane Claude avec enthousiasme. En effet, il est possible d’utiliser les ondes sonores élastiques, dont les caractéristiques sont corrélées aux mécanismes de déformation ou d’endommagement. « Nos recherches se sont alors porté sur la détection des signes acoustiques avant-coureurs de la rupture instrumentale », poursuit Stéphane Claude.
Ceux-ci se produisent effectivement lors des mécanismes de déformation plastique (dislocations) et de transformation de phase martensitique des alliages à mémoire de forme (NiTi) constituant les limes : les spécificités des signaux émis (fréquence, amplitude, types de signaux…) changent en fonction de la progression des dégradations du matériau. Un picocapteur fixé à la tige de l’instrument a montré une forte libération d’émission acoustique très caractéristique. L’objectif est donc, une fois les fréquences des bruits moteurs isolées et reconnues, d’analyser les vibrations d’une lime contre la surface de la dent pour déceler l’apparition des premiers signes d’endommagement conduisant à la rupture. L’ensemble des informations, analysées en temps réel, permettra un traitement exhaustif des données dans l’environnement immédiat de l’appareil, ce qui mènera à la mise au point d’une alerte quant à l’imminence de la rupture et à une déconnexion électrique. Ces travaux ont donné lieu à un premier dépôt de brevet et un second est actuellement en cours.
Concrètement, imaginez dans les années à venir un micromoteur connecté permettant d’accompagner le diagnostic, d’authentifier une lime, de certifier un acte, ou d’enregistrer un traitement dans un dossier patient anonymisé par blockchain. La Preuve numérique, start-up spécialisée dans le domaine des preuves digitales, assurera la sécurisation des données patients.
Un programme public-privé pour faire évoluer l’endodontie
Dans le cadre du programme E-Endo, la faculté d’odontologie de l’Université de Lorraine a créé la première halle technique en ingénierie dentaire au sein du Campus Brabois Santé de Vandœuvre-lès-Nancy. Inaugurée en 2022, il s’agit d’un espace de 150 m2 destiné à accompagner la formation des futurs praticiens, favoriser les collaborations publiques/privées et contribuer à l’émergence de start-up. Il abrite entre autres un centre d’essais et de certification dédiés aux essais mécaniques sur dispositifs dentaires, ainsi que d’un espace collaboratif. Cette halle, ouverte aux entreprises partenaires, leur permettra d’accéder à l’appui d’experts universitaires affiliés notamment au CNRS, à l’Université de Lorraine ou au CHRU de Nancy.
« Nous sommes convaincus que l’endodontie et la santé bucco-dentaire en général doivent prendre le virage du numérique pour le plus grand bénéfice des patients. Cette “lime intelligente zéro casse made in France” et notre action pour l’évolution des pratiques endodontiques en sont une illustration », conclut Stéphane Claude.