Le coup de foudre d’une PME Strasbourgeoise pour l’Institut Carnot Mica
Séchoir à buche @R-CUA
La petite entreprise régionale, spécialiste des réseaux de chaleur, a conquis en un temps record une part du marché alsacien. Cette rapide ascension, l’entreprise la doit en partie à sa collaboration avec l’Institut Carnot Mica basé à Mulhouse, et spécialiste des matériaux innovants. Aujourd’hui R-CUA explore le marché de l’hydrogène, de la biomasse, du stockage énergétique ou encore des réseaux intelligents…Et toujours en collaboration avec les chercheurs de l’Institut.
R-CUA est une nouvelle venue sur le marché des centrales à chaleur. L’entreprise voit le jour en 2014, après que sa maison mère a obtenu, en association avec l’opérateur local du réseau de gaz de Strasbourg (RGDS) et la filiale suisse EBM, un contrat pour construire une centrale à biomasse et son réseau de chaleur. Prévue pour alimenter le quartier de Wacken, la centrale « verte » fonctionne aux rafles de maïs et à la biomasse bois. Très vite, l’équipe cherche comment utiliser la chaleur résiduelle issue des réseaux. R-CUA finit par identifier un marché de niche, mais en forte croissance : celui du chauffage individuel à partir de bois buche. Les industriels de ce secteur sont contraints de sécher de plus en plus rapidement leurs buches pour répondre à la forte demande. « Nous souhaitions augmenter l’efficacité énergétique des opérations, notamment en utilisant l’énergie contenue dans les fumées, mais nous ne trouvions pas de conteneurs adaptés » explique Hervé Lamorlette, directeur général de R-CUA.
Hervé Lamorlette
« Pour sa première visite, le chercheur du laboratoire du CNRS est arrivé avec des chaussures de sécurité, ça nous a mis en confiance »
Sans expérience de la collaboration avec la recherche publique, la jeune entreprise entre pourtant en contact avec des chercheurs du CNRS. « Nous les avons rencontrés alors que leur entreprise existait à peine » se souvient Lionel Limousy, alors chercheur à l’Institut des sciences des Matériaux de Mulhouse, et aujourd’hui directeur de l’Institut Carnot Mica. Les barrières entre les deux mondes tombent vite, chacun est à l’écoute de l’autre. « Pour sa première visite, le chercheur du laboratoire du CNRS est arrivé avec des chaussures de sécurité, cela nous a mis en confiance » se souvient Hervé Lamorlette. Grâce à la médiation de l’Institut Carnot , un projet de recherche de deux ans est lancé dès 2015.
Depuis 2015, R-CUA commercialise son système de séchage rapide de buches. Les bénéfices du projet de recherche pour l’entreprise sont aujourd’hui très concrets. « Chaque pourcentage d’efficacité énergétique obtenu nous fait gagner un euro par MWh supplémentaire sur l’énergie électrique revendue. Or, nous avons gagné 10% d’efficacité énergétique en plus grâce à ce projet » explique Hervé Lamorlette. Le gain s’élève selon le directeur général de R-CUA à près de 200 000€ par séchoir depuis 2015. De quoi accélérer le retour sur investissement. « Le séchoir a été payé en trois ans. Il en aurait fallu 15 normalement » poursuit le Hervé Lamorlette. Sans compter la dizaine d’emplois créés grâce à cette innovation. Aujourd’hui, R-CUA est en train de réfléchir à la construction d’un troisième séchoir pour faire face à la demande.
R-CUA veut chauffer les piscines alsaciennes
Fort de ce succès, l’Institut Carnot Mica propose de nouvelles pistes de recherche à R-CUA. Il propose notamment à l’entreprise une solution pour stocker la chaleur produite par ses réseaux. À l’occasion d’une réunion avec R-CUA, l’Institut Carnot présente les travaux de Simona Bennici. La chercheuse, arrivée depuis peu à l’Institut des sciences des matériaux de Mulhouse, a travaillé sur le développement d’un matériau capable de stocker la chaleur. Celui-ci permettrait de stocker la chaleur sans perte thermique sur de longues périodes, et offrirait la possibilité à R-CUA de la valoriser différemment. « Nous avons imaginé utiliser cette chaleur pour chauffer les vestiaires d’une piscine, par exemple. À plus grande échelle, nous avons également pensé à réinjecter cette chaleur dans les réseaux d’eau, et réduire ainsi l’utilisation du gaz », explique Simona Bennici. Pour financer ce projet d’une toute autre ampleur que le premier, l’Institut Carnot aide R-CUA à mobiliser les aides de la Région. Le projet est finalement lancé à l’été 2019. R-CUA a engagé notamment une thèse Cifre sur le sujet, qu’il a réussi à faire financer à hauteur de 80%.
« Nous sommes un livre ouvert
pour l’Institut Carnot »
Hervé Lamorlette
R-CUA donne carte blanche à l’Institut Carnot
Confortée par ses premiers succès, R-CUA est aujourd’hui ouverte à tous les projets de l’Institut Mica. Ainsi l’Institut a récemment attiré l’attention de R-CUA sur la possibilité d’utiliser une nouvelle ressource « verte », pour l’instant tenue secrète, pour alimenter ses centrales à chaleur. L’entreprise est en train d’évaluer la faisabilité du projet. « Nous avons la proposition de l’Institut Mica, ainsi que celle du laboratoire, mais le projet sera long et couteux », explique Hervé Lamorlette. Le CNRS a également proposé, gratuitement, à la maison mère de R-CUA d’utiliser le biochar, un combustible solide issu de la pyrolyse de la biomasse, pour en étudier les débouchés. « Ils sont très proactifs, reconnaît Hervé Lamorlette. Nous sommes un livre ouvert pour eux. »
En quelques années, R-CUA a réussi à se faire une place dans l’écosystème régional de l’énergie. Pourtant rien ne destinait cette jeune PME, d’une vingtaine de personnes aujourd’hui, à se positionner sur autant de sujets de recherche. Une des raisons de ce dynamisme vient, peut-être, des statuts de R-CUA. « Nous sommes une entreprise filiale d’une société d’économie mixte, nous pouvons travailler sur le long terme sans être contraints de trouver des applications à nos recherches dans les six mois qui suivent » analyse Hervé Lamorlette. Les équipes mettent aussi l’accent sur la capacité de chacun à comprendre les problématiques de l’autre. « Les équipes de R-CUA ne sont pas arrivées avec une idée fixe, dans l’objectif d’utiliser le chercheur » ajoute Simona Bennici. Hervé Lamorlette va dans ce sens. « Mon équipe pense souvent que nous pouvons rapidement passer à l’étape suivante. Le CNRS nous a aidé à nous structurer, en nous conseillant de bien respecter chacun des niveaux de l’échelle de maturité technologique » explique Hervé Lamorlette.
*Les Instituts Carnot.
Les Instituts Carnot sont des structures de recherche publique, labélisées par le ministère de la recherche, et destinés à favoriser les collaborations public/privé. Ils regroupent plusieurs laboratoires travaillant sur un même domaine de recherche au plan national. Ces structures sont financées par un abondement financier, du montant des contrats de recherche signés avec les entreprises. Il existe 38 Instituts actuellement.
Ce qu’il faut retenir :
- R-CUA rentabilise en trois ans ses séchoirs à buche, contre 15 s’il n’avait pas reçu le concours de l’Institut Carnot
- R-CUA n’avait aucune expérience de la recherche partenariale avant de rencontrer les équipes de l’Institut Carnot
- L’Institut Carnot a aidé la PME à obtenir des financements de la Région pour monter un nouveau projet de recherche