Emmanuel Sabonnadière (CEA-Leti) : « nous sommes au coeur de trois axes du Plan de relance »

8 février 2021

Emmanuel Sabonnadière. crédit : Pierre Jayet/CEA

L’Institut CEA-Leti, de la Direction de la Recherche technologique du CEA, spécialisé dans la microélectronique, souhaite être un acteur central des révolutions numériques actuelles. Son directeur, Emmanuel Sabonnadière, également directeur de l’institut Carnot CEA-Leti, revient sur les projets en cours de l’organisme, notamment autour de l’intelligence embarquée et de la santé.

Les points à retenir :

  • Le CEA-Leti accélère ses activités dans l’automobile, l’IA embarquée et la santé dans le cadre du Plan de relance
  • Le centre attend l’appel à projet européen pour proposer son projet de plateforme de construction de puce avec Imec et Fraunhofer
  • Le CEA-Leti donner plus de visibilité aux start-up en santé grâce à l’inauguration récente de l’espace Medytec à Grenoble

POC Valorisation. Quel bilan dressez-vous de l’année 2020 ?

Emmanuel Sabonnadière. Nous avons été pénalisé par la crise de la Covid-19, car nous avons dû arrêter plusieurs semaines lors de la première vague nos salles blanches qui sont le coeur opérationnel du CEA-Leti. Mais nous avons aussi été en première ligne pour participer à l’accélération de l’innovation dans le numérique à la suite de l’explosion de la demande en digital. Les échanges d’informations sur Internet ont augmenté de 40 % sur l’année, contre 10 % les années précédentes.

Vos activités avec les industriels ont-elles été affectées ?

Les recettes du CEA-Leti avec les industriels ont effectivement un peu baissé, principalement du fait de la fermeture des salles blanches. Elles se sont établies à 120 millions d’euros, contre 134 prévus. Les contrats industriels en bilatéral représentent une petite moitié de nos revenus. Mais les résultats « institutionnels », tirés par exemple de nos projets européens du type Ecsel, se sont maintenus. Le CEA s’est montré très impliqué et responsable durant cette crise en maintenant sa dotation et en nous soutenant dans nos projets.

Comment le CEA-Leti s’intègre-t-il dans les plans d’investissements lancés actuellement, comme le PIA 4 et le Plan de relance ?

Nous sommes au coeur de trois axes du Plan de relance, via le Comité stratégique de la filière Electronique et celui pour la Bioproduction (CSF Electronique et CSF Santé) : sur l’automobile, l’IA embarquée et la santé. Dans l’automobile, nous travaillons sur les technologie GaN (nitrure de gallium), pour l’électronique de puissance dans les véhicules électriques. Sur l’intelligence embarquée, nous travaillons sur le développement de puces pour l’edge computing. Actuellement nous avons atteint des TRL entre 6 et 9, et la technologie commence à être mature pour être transférée à nos partenaires. Enfin, dans le domaine de la santé, nous sommes impliqués dans le plan bioproduction. La crise a montré qu’il était difficile de produire des vaccins en France. Le CSF santé se penche ainsi sur le développement d’une filière autour des bioréacteurs et des biocapteurs, à base d’intelligence artificielle. Et nous participons activement, en parallèle, au Plan Nano 2025 avec tous les acteurs de la filière microélectronique.

Quels sont vos projets actuels au niveau européen, alors que le nouveau programme cadre pour la recherche et l’innovation Horizon Europe vient officiellement d’être lancé ?

Nous travaillons sur un projet de plateforme de production de puces électroniques « TEF hardware for edge IA » pour l’edge computing. Pour mettre au point ces puces, il faut développer l’électronique, le silicium profond, le packaging…. Nous collaborons déjà avec Soitec sur la technologie SOI (silicium-sur-isolant), plus fine et moins consommatrice d’énergie, dans une de nos salles blanches. Mais nous ne sommes pas les seuls. L’Imec consacre aussi une salle blanche à la technologie FinFet (transistor construit sur un substrat isolant en silicone, incluant une tige 3D au-dessus), et le Fraunhofer est spécialisé sur les aspects back-end (production de composants) et architecture d’intégration de ces puces. Nous avons ainsi décidé de porter un projet au niveau européen pour développer une plateforme commune. Cet outil sera capable de répondre aux demandes des industriels lorsqu’ils auront besoin de puces embarquées. Nous nous préparons à l’appel à projet européen qui devrait sortir en mars ou avril de cette année. Plusieurs centaines de millions d’euros y seront consacrés. D’autres acteurs pourraient nous rejoindre, comme VTT (Finlande) ou Sal (Autriche).

Quels sont les profils des entreprises avec lesquelles vous collaborez ?

Près de 80% de nos budgets sont directement ou indirectement, assurés par des projets avec des industriels. Nous collaborons avec deux types de profils : d’abord les industriels qui travaillent sur les semiconducteurs, comme Soitec, STMicrolectronics ou Aledia. Ils échangent avec nous à partir de nos rapports et de nos publications scientifiques, et nous orientent sur de nouvelles idées. Ensuite, il s’agit d’industriels applicatifs, qui développent des briques technologiques. C’est le cas par exemple de la start-up Diabeloop, qui a développé avec nous une solution connectée et intelligente de traitement du diabète de type I. Il nous arrive aussi d’être en avance sur les marchés, lorsque la technologie est à des niveaux de TRL de 4 ou 5. Nous lançons alors une start-up deeptech. Nous en créons entre quatre et cinq par an. Nous allons bientôt fêter bientôt la 70ème start-up du CEA-Leti ! Ce dispositif a été renforcé au CEA avec le dispositif Magellan.

Nous avons élargi les profils d’entreprises grâce notamment à la plateforme Y.Spot

Emmanuel Sabonnadière

Le Leti souhaite-t-il élargir les profils d’entreprises auxquelles il s’adresse ?

Nous avons élargi ces profils grâce notamment à la plateforme Y.Spot. Des start-up ou des petites entreprises qui souhaitent intégrer de l’électronique rapidement viennent désormais nous voir. Une entreprise nous a rencontrés récemment pour intégrer de l’électronique dans les bâches et toiles qu’elle produit. Nous avons ainsi développé avec elle une chip allongée, du diamètre d’un fil, pour s’adapter aux produits, en utilisant la plateforme de prototypage rapide de Y.Spot. Je rappelle aussi que c’est grâce à Y.Spot que nous avons réussi à développer un respirateur en trois semaines, le MakAir, en pleine crise sanitaire. Le prototypage rapide sera très important pour le secteur des objets connectés, et Y.Spot permettra de concentrer des compétences en impression 3D, en marketing, en communication, ou encore de cyber-sécurité.

Vos activités en santé prennent également de plus en plus d’importance ?

Nous nous sommes effectivement rendus compte que nous avions un écosystème très riche en santé, notamment sur les dispositifs médicaux autour de Grenoble. Grâce à l’impulsion de la Région AURA, il a été décidé de créer une Maison du dispositif médical, Medytec. Le bâtiment, qui a été inaugurée à l’été 2020, regroupe tous les acteurs deep tech de la santé de Grenoble.

Propos recueillis par Florent Detroy

Le CEA-Leti en 2020

  • 300 brevets déposés
  • 450 papiers majeurs (contre 600 attendus)
  • Trois start-up incubées
  • Quatre start-up créées
  • Recettes industrielles : 120 millions€ (134 M€ attendus)
  • Recettes institutionnelles : 105 millions€ (110M€ attendus)

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