L’Institut DataIA veut s’imposer comme la porte d’entrée des entreprises à Saclay
« Kick-Off » des chaires IA le 9 septembre dernier, à CentraleSupelec
L’ANR a sélectionné 16 chaires de recherche en IA portées par des établissements du plateau de Saclay, sur les 40 sélectionnées dans le cadre de son appel à projets Chaires IA. Ce raz-de-marée est une grande victoire pour la recherche du plateau, mais aussi pour le jeune Institut DataIA qui a fédéré les candidatures des établissements. Concurrencé désormais par l’Institut Polytechnique de Paris, DataIA veut s’imposer comme la principale porte d’entrée des entreprises sur le plateau.
L’Institut DataIA a eu le triomphe modeste, début septembre. Réunies dans les locaux de CentraleSupelec, les équipes ont donné discrètement le coup d’envoi des 16 chaires dédiées à l’IA. L’Institut se veut aussi modeste, car son rôle a d’abord consisté à accompagner les candidatures des établissements pour créer ces 16 chaires. « C’est d’abord le résultat de l’excellence de la recherche en IA sur le plateau », confirme Éric Tordjeman, directeur des relations entreprises de l’Institut. Mais DataIA, qui fédère les acteurs de la recherche en IA sur le plateau de Saclay, souhaite bien jouer un rôle croissant dans le soutien à la recherche en IA, notamment en rapprochant les entreprises des 14 centres de recherche qu’il chapeaute.
Créer des projets multipartenaires…
L’Institut a été créé à la suite de l’appel à projets « Convergence » de l’ANR, lancé en 2016. L’objectif de l’appel : créer des pôles de référence scientifiques et pluridisciplinaires. Le projet DataIA, emmené notamment par l’Inria et l’Université Paris Saclay, a été soutenu par l’ensemble des forces vives du plateau de Saclay en matière d’IA. En 2017, le projet est retenu par l’ANR, et DataIA voit le jour.
La mission de l’Institut n’est pas seulement de soutenir la recherche, mais aussi de rassembler des chercheurs issus d’établissements différents autour de défis communs. Même lorsqu’IPP Paris fait secession (voir encadré), ses chercheurs continuent de travailler avec leurs collègues de l’Institut. « Notre valeur ajoutée est de faciliter les échanges entre les différentes acteurs du plateau de Saclay », explique Éric Tordjeman. L’Institut est ainsi le seul acteur à être capable de réunir des chercheurs d’établissements différents autour de projets communs. « Nous voulons développer ce modèle de chaires multipartenaires, qui est encore assez rare », ajoute d’ailleurs Éric Tordjeman.
… et public/privé
Dès sa création, l’Institut s’est également fixé comme mission de guider les entreprises sur la voie de la recherche en IA. Dans un premier temps, DataIA s’est contenté d’accompagner les projets que ses membres montaient en collaboration avec leur propre réseau d’entreprises. D’ailleurs, un tiers des chaires sélectionnées dans le cadre de l’appel à projets de l’ANR ont été montées avec des entreprises, souvent partenaires de longue date des établissements. Aujourd’hui, l’Institut veut davantage mettre en avant son « programme d’affiliation », sa propre stratégie au service des collaborations public/privé.
Ce programme consiste à mener un travail de fonds auprès des entreprises, en organisant des échanges sur leurs besoins en termes de solution IA. Une fois les besoins identifiés, l’institut forme des clubs d’experts réunissant des chercheurs et des entreprises autour de problématiques communes. Les groupes sont composés, en moyenne, de six chercheurs et de six sociétés privées. Ces formats permettent aussi aux entreprises d’échanger entre elles sur leur besoin, et éventuellement de mutualiser leur recherche.
Éviter le rôle de prestataire
Pour l’instant, quatre groupes d’experts ont été montés sur l’éthique, l’IA de confiance, la causalité et l’explicabilité de l’IA, les solutions de machine learning adaptées aux biomarqueurs. DataIA a également prévu de proposer des rendez-vous individuels aux entreprises, si elles souhaitent garder une partie de confidentialité. Des réunions à mi-chemin entre la table ronde et le rendez-vous d’affaires.
L’idéal serait d’arriver à monter des équipes communes, entre entreprises et académiques
Bertrand Thirion, directeur de l’Institut DataIA
« Ce format permet aux entreprises d’adresser des enjeux de collaborations, tout en connaissant mieux l’état de l’art de la recherche », détaille Éric Tordjeman. Il pose également les bases de collaborations futures. « L’idéal serait d’arriver à monter des équipes communes, entre entreprises et académiques, pour lancer des thèses Cifre ou des chaires. » poursuit Bertrand Thirion, directeur de l’Institut DataIA. À l’avenir, l’Institut pourrait jouer un rôle plus important : « Nous pourrions très bien déposer des candidatures à des projets européens ou PSPC (ex-FUI). »
L’objectif n’est toutefois pas de transformer les chercheurs en prestataires de services. « Il ne s’agit pas de demander aux entreprises ce dont elles ont besoin, puis de trouver des chercheurs pour y répondre. Ces derniers ont aussi leurs besoins, notamment en termes d’axes de recherche exploratoires », rappelle Éric Tordjeman. L’Institut privilégie, à l’inverse, des relations de long terme avec les industriels, sans que la contribution financière de l’entreprise soit l’objectif central. Pour illustrer cette approche, l’Institut peut se vanter d’avoir été à l’origine de la collaboration d’IBM avec l’Université Paris-Saclay, il y a quelques années. Les deux acteurs inaugurent, aujourd’hui même, une plateforme commune d’automatisation de l’IA, baptisée Aida.
Hi ! PARIS nouveau concurrent de DataIA
DataIA n’est plus, depuis la semaine dernière, le seul institut à fédérer la recherche en IA sur le plateau de Saclay. L’École polytechnique a annoncé la création d’un Institut sur le sujet, en collaboration avec HEC. Le centre veut, notamment, doubler tous les cinq ans le nombre d’étudiants formés en IA. Une concurrence, connue depuis plusieurs mois, qui a poussé DataIA à se repositionner. « DataIA est aujourd’hui l’institut de l’IA de l’Université Paris-Saclay, et non plus du plateau de Saclay », précise Bertrand Thirion.
Les relations public/privé devraient être au centre du nouvel acteur, alors que L’Oréal, Total, Kering, Rexel et Capgemini font partie des membres fondateurs. Hi Paris rassemble 300 chercheurs et affiche un budget de 50 millions d’euros.
La Chaire « Bridgeable » de CentraleSupelec
La chaire Bridgeable fait partie des 16 thèses sélectionnées par l’ANR. Bridgeable, pour BRIDinG thE gAp Between iterative proximaL methods and nEural networks, porte sur le lien entre les réseaux de neurones et l’optimisation, et est portée par le professeur Jean-Christophe Pesquet, directeur du Centre de vision numérique de CentraleSupelec. Elle est financée à hauteur de 1,3 million d’euros répartis entre l’ANR (500 000 €) et les trois partenaires de la Chaire, Schneider Electric, GE Healthcare et IFPEN (800 000 €). « Ce qui a fédéré ces acteurs, c’est la méthodologie commune que nous utilisons pour travailler sur l’optimisation », explique Frédéric Pascal, coordinateur des recherches en IA de CentraleSupelec. Pour le chercheur, si l’institut a joué un rôle important dans la sélection des chaires par l’ANR en contribuant à sélectionner les meilleurs projets, il doit, à l’avenir, contribuer à créer des projets multidisciplinaires.