La start-up Crystal Energy développe un verre producteur d’électricité

La start-up issue du Laboratoire de réactivité et de chimie des solides développe un verre capable de produire de l’énergie. Ce matériau pourrait réduire la consommation énergétique des bâtiments, tout en leur fournissant de nouvelles fonctionnalités.
Intégrer l’énergie photovoltaïque dans l’espace urbain reste complexe. Cette électricité verte a besoin de grandes surfaces pour être rentable, ce qui limite, pour l’instant, son installation aux toits des bâtiments, principalement. Les panneaux solaires posent également des questions esthétiques.
Le projet de la start-up Crystal Energy est de donner au verre la capacité de produire de l’électricité. L’objectif est de rendre les bâtiments – ils représentent un tiers de l’énergie consommée en France et 40 % des émissions de GES –, producteurs d’énergie à leur tour. Cette technologie pourrait aussi permettre à de nombreux autres objets, comme les abris-bus ou les parebrises de voitures, de générer de l’énergie.
Filtrer la lumière
Ce procédé s’appuie sur dix années de recherche au sein du Laboratoire de réactivité et de chimie des solides (Université de Picardie Jules Verne/CNRS UMR7314). Spécialisé dans les matériaux pour l’énergie, ce laboratoire s’est souvent illustré dans le domaine du stockage, mais il a également développé des applications dans le solaire. C’est le cas avec la création de la start-up G-Lyte, issue du LRCS, qui conçoit des cellules à colorants « indoor » à haut rendement.
La technologie de Crystal Energy repose d’abord sur une compréhension fine de la lumière. « Nous ne voyons que 50 % de la lumière. Les 50 % restants se partagent entre les rayons proches infrarouges et les ultraviolets (UV) », rappelle Frédéric Sauvage, chercheur au LRCS et responsable de l’équipe Matériaux pour la conversion de l’énergie. En sélectionnant la partie invisible du rayonnement et en laissant passer la lumière visible, il serait possible de produire de l’énergie avec une solution invisible pour l’œil humain. Le laboratoire a créé un « absorbeur » et un environnement chimique transparent, intégré dans la technologie des cellules PV à colorant synthétique. « Nous avons mis au point une technologie moléculaire à base de pigments synthétiques, qui laisse passer la lumière visible et convertit la lumière invisible », explique le chercheur.
Nous avons mis au point une technologie moléculaire à base de pigments synthétiques, qui laisse passer la lumière visible et convertit la lumière invisible
Frédéric Sauvage
Cette technologie biomimétique, qui s’inspire du principe de la photosynthèse, a aussi l’intérêt d’être naturelle. Elle est frugale en termes de quantité de matériaux utilisés et, surtout, elle n’emploie aucun produit ou matériau toxique. Autre atout, ce verre électrogène est très sensible à la lumière diffuse et indirecte, ce qui est un avantage pour convertir le rayonnement au lever ou au coucher du soleil, ou alors de faciliter l’intégration du vitrage, puisque ce dernier n’a pas forcément besoin d’être continuellement situé face au soleil pour fonctionner. Ce matériau électrogène fait aussi jeu égal avec le verre classique en matière de transparence, avec une transmittance moyenne de 80 %, ce qui pourrait notamment permettre d’équiper les vitres de nos voitures.
Un premier vitrage de 1 m² pour fin 2025
Le laboratoire a déjà entrepris de tester ces verres. « Nous sommes arrivés à des cellules qui atteignent 42 watts-crête par mètre carré, soit un rendement de 4,2 % », explique Frédéric Sauvage. L’équipe a même commencé à produire des petites surfaces qui pourraient potentiellement équiper des cadrans de montres, par exemple, à des TRL de 6. Mais elle souhaite, à terme, développer la technologie pour réaliser de plus grandes surfaces, comme des vitrages électrogènes. « Pour ces objets, nous sommes à des TRL de 4 », annonce Frédéric Sauvage. L’équipe ambitionne également d’atteindre des puissances de 80 watts-crête. Côté tarifs, la société vise un prix de vente de 200 euros par mètre carré.
Dans son plan de développement, Crystal Energy s’est donné jusqu’à la fin de l’année pour présenter une première preuve de concept d’un premier vitrage électrogène de 1 m². Cet objectif conduira ensuite à de nombreux autres développements. La société a réalisé une première levée de fond pour arriver aux prototypes. L’équipe du laboratoire a aussi bénéficié d’un investissement de 408 000 euros de la SATT Nord, accompagnant un accord de licence, pour continuer de maturer la technologie et l’exploiter commercialement.
La tour en verre, c’est le but ultime
Frédéric Sauvage
Des applications variées
Cette maturité permettra de diversifier les applications. « L’objectif est d’utiliser ce verre là où il n’est pas possible de poser des panneaux photovoltaïques », poursuit Frédéric Sauvage. La start-up discute actuellement pour équiper des abris-bus, des phares maritimes, des bâtiments administratifs, ou encore des verrières de musées. Le chercheur envisage même de s’installer dans une partie du Hub de l’Énergie, lieu d’accueil de son laboratoire, pour réaliser les premières intégrations tests du vitrage électrogène. À terme, la production en série de ces vitrages pourrait transformer le paysage énergétique des villes. « La tour en verre, c’est le but ultime », conclut Frédéric Sauvage.