Le CEA-Liten explore le stockage d’énergie thermique pour les hautes températures [1/2]

9 avril 2025

stockage thermique de la centrale solaire expérimentale de Cadarache. ©CEA

Dans son récent rapport, le Conseil européen de l’innovation (EIC) pointait l’intérêt de développer des technologies de stockage d’énergie thermique pour les hautes températures, au-delà de 600 °C. Pourquoi est-ce important et quelles en seraient les mises en œuvre concrètes ?

Le dernier rapport technologique, « 2024 EIC Tech Report », publié en décembre 2024, a mis en lumière 34 technologies émergentes et disruptives, sélectionnées par des experts de l’EIC et susceptibles de renforcer la capacité d’innovation et la compétitivité de l’Europe. L’EIC souligne les enjeux du stockage d’énergie thermique pour les hautes températures.

Jean-François Fourmigué, ingénieur-chercheur au CEA-Liten (Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux) où il est responsable du programme Efficacité énergétique, évoque une première piste envisageable : adapter les dispositifs de stockage de chaleur au-delà de 600 °C.

« Les travaux et défis actuels portent sur le stockage de grandes énergies thermiques, dans des contextes de haute température, au-delà de 600 °C, dans des matériaux efficaces et peu encombrants, tout en assurant une réversibilité pérenne lors des cycles de stockage-restitution de la chaleur », explique Jean-François Fourmigué. « C’est important de progresser dans ces stockages, car les hautes températures sont liées à des industries énergivores et qui génèrent beaucoup de chaleur fatale, c’est-à-dire perdue. »

C’est important de progresser dans ces stockages, car les hautes températures sont liées à des industries énergivores et qui génèrent beaucoup de chaleur fatale, c’est-à-dire perdue

Jean-François Fourmigué

Pour progresser, la première piste technologique mise en évidence par l’EIC est le stockage de la chaleur sensible (celle que l’on nomme habituellement simplement « chaleur » et qui augmente la température d’un matériau). À haute température, seuls les solides peuvent stocker la chaleur sensible

A haute température, seuls les solides peuvent stocker la chaleur sensible

« On sait stocker la chaleur aux basses températures depuis très longtemps, via des pierres réfractaires ou l’eau d’une bouillotte, par exemple, et même à haute température grâce aux pierres volcaniques ou aux céramiques qui couvrent les fours depuis des centenaires », ajoute Jean-François Fourmigué.

Mais au-delà de 500 °C, aucun liquide ne peut être mis en œuvre, même les sels fondus sont plutôt dans la plage des 300-400 °C. Or, les solides sont des dispositifs de stockage thermique complexes à généraliser à l’ensemble des industries. « On stocke déjà, depuis 150 ans, une partie de la chaleur à haute température, par exemple dans les fours de verrerie qui sont à 1400 °C, pour réduire leur consommation énergétique. Néanmoins, optimiser ces dispositifs pour récupérer toute la chaleur des fumées de combustion suppose de traiter ces fumées, car elles peuvent être toxiques ou contenir des éléments qui dégraderaient les matériaux de stockage thermique. »

Stocker avec des matériaux céramiques

Stocker la chaleur sensible à haute température repose donc sur des innovations en termes d’échangeurs de chaleur pour les adapter à une certaine pérennité des matériaux de stockage thermique. Et ceux-ci présentent une autre difficulté : un stockage liquide n’étant pas possible au-delà de 600 °C, ils ne peuvent qu’être solides. Or, un solide qui se réchauffe se dilate et génère des contraintes mécaniques atour de lui. « In fine, stocker la chaleur sensible à haute température exige la mise au point de céramiques performantes et raisonnablement onéreuses, mais suppose aussi leur intégration aux processus industriels, tant du point de vue du contenant, qui doit avoir une température de fusion bien au-delà de la température considérée, que des réarrangements volumiques du matériau de stockage qu’il contient. Ce n’est pas simple ! » conclut Jean-François Fourmigué. Deux autres technologies, fondées sur les changements de phase, et les réactions chimiques, pourraient, en revanche, être des solutions efficaces au-delà de 600 °C.

Le Conseil européen de l’innovation

L’EIC (European innovation coucil) est un dispositif majeur du programme-cadre Horizon Europe. Pour renforcer la capacité d’innovation de l’Europe, il la finance avec un budget conséquent de 10 milliards d’euros et fournit un soutien stratégique aux chercheurs, entrepreneurs, entreprises, investisseurs et responsables politiques via des prospectives sur les innovations à fort potentiel. Le rapport 2024 de l’EIC (disponible dans son intégralité en ligne) se veut une feuille de route pour l’innovation européenne.

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