Le CEA récompensé pour un projet de recyclage des nylons
La chercheuse au CEA, Marie Kobylarski, a été récompensée pour son projet de recyclage dans le cadre du challenge Innovation de l’éco-organisme spécialiste de la filière textile Refashion. Son projet, UPnyl-tex, vise à développer une technologie de recyclage chimique des nylons.
Le secteur des plastiques se prépare à de grandes évolutions. L’Union européenne a fixé des objectifs de réduction et de recyclage des plastiques, notamment des plastiques à usage unique, très ambitieux. D’ici à 2025, les bouteilles en PET (polytéréphtalate d’éthylène) devront contenir 25 % de matières recyclées. En 2030, c’est toutes les bouteilles en plastique qui devront inclure 30 % de matières recyclées. La France va même plus loin, et s’est fixé un objectif de 100 % de plastiques recyclés d’ici à 2025 avec la loi AGEC.
Face à ces ambitions, les technologies doivent évoluer de concert avec les autres mesures prévues par la loi. Les technologies de recyclage mécanique, encore utilisées dans 99 % des cas de recyclage des plastiques, ne permettront pas seules d’atteindre les buts fixés. Ce procédé dégrade trop les plastiques pour qu’ils puissent être réutilisés pour la même fonction. La plupart de ces polymères réemployés par voie mécanique sont utilisés pour produire des objets de moins bonne qualité, comme des habits, eux-mêmes difficilement recyclables.
De nouvelles technologies sont ainsi à l’étude pour traiter différemment les plastiques, et ainsi les réintroduire dans un circuit industriel. La chercheuse Marie Kobylarski s’est spécialisée dans les technologies de recyclage chimique des polymères. Lors de sa thèse menée au Laboratoire de chimie moléculaire et catalyse pour l’énergie (LCMCE) du CEA, la chercheuse a étudié le retraitement chimique des plastiques de la catégorie PET, un polymère, de type polyester, exploité pour réaliser la plupart des bouteilles en plastique. « Ce polyester se présente comme une chaîne de billes. J’ai développé pendant ma thèse un outil de découpe sélective de cette chaîne afin de récupérer les billes qui la constituent, les monomères », explique Marie Kobylarski.
« Nous avons réussi à obtenir des dérivés de monomères de polyester, comme des alcools, qui sont une brique de base de l’industrie chimique », expose Marie Kobylarski.La thèse ne donne toutefois pas lieu à un projet de transfert vers l’industrie. « Nous avons utilisé un catalyseur métallique qui recourt à des métaux rares, ainsi qu’à plusieurs produits chimiques, l’impact environnemental du procédé était trop important », souligne-t-elle. En revanche, la doctorante découvre que sa solution s’avère plus prometteuse sur d’autres matériaux plastiques, comme le nylon, dont la valeur marchande est, en prime, supérieure au polyester des PET.
À la fin de sa thèse, la chercheuse poursuit ses travaux en les orientant sur le recyclage chimique des nylons. L’objectif est de produire de nouveaux matériaux à destination de l’industrie chimique. La Marie Kobylarski prend ainsi des contacts avec des industriels de la chimie, ainsi qu’avec des acteurs du textile, grâce, entre autres, au concours Refashion. Son prix décerné dans le cadre du Challenge innovation de l’édition 2023, aux côtés de l’entreprise Nolt (projet maillot infini), Wecosta (Injectil) et la Manufacture 49 (projet PURe), valide l’intérêt de ce secteur pour sa solution. « Il y a notamment un engouement de la part des producteurs de lingerie, qui sont eux aussi confrontés à des problématiques de recyclage. »
Il y a notamment un engouement de la part des producteurs de lingerie
Marie Kobylarski
Aujourd’hui, la chercheuse poursuit le développement de son système de recyclage, qui est encoreà un niveau de TRL de 2 à 3. D’autres freins doivent ainsi être levés. « Le recyclage chimique permet de transformer la matière, mais nous devons encore l’optimiser et contrôler l’empreinte carbone globale du procédé. L’autre défi est que notre produit final innovant soit compétitif face aux produits pétrosourcés actuellement sur le marché », ajoute Marie Kobylarski.
Le projet entrepreneurial prend toutefois de l’ampleur. Un brevet est en cours de dépôt. La chercheuse pourrait bientôt rejoindre le programme d’accompagnement du CEA sur la création de start-up. Elle a déjà identifié trois marchés sur lesquels les matériaux produits à partir de sa technologie de recyclage pourraient trouver une application : le traitement de l’eau, la capture du CO2 et comme retardateur de flamme.