L’entreprise Luxant et l’Université de Lille viennent de donner le coup d’envoi de la chaire industrielle LuxAnt-ANVI. Les deux partenaires travailleront sur le développement d’algorithmes pour des applications de télésurveillance, utilisant des architectures neuromorphiques.

Les technologies d’intelligence artificielle parviennent à la fin d’un cycle. Après une dizaine d’années de développement tous azimuts, ces technologies sont remises en question. La disponibilité des données et leur structuration demandent plus que jamais l’intervention de l’homme, rendant cette technologie trop chère pour une grande majorité d’entreprises. Le coût énergétique de ces solutions est également un frein à leur adoption à grande échelle. Actuellement, l’hébergement des données à l’échelle planétaire pèse 3 % de la consommation énergétique mondiale. Les acteurs de l’intelligence artificielle réfléchissent donc à de nouvelles solutions pour répondre à ces défis. Selon l’Université de Lille, deux solutions existent : le calcul quantique et les architectures neuromorphiques. Partant du constat que le calcul quantique est une technologie loin d’être mature, l’établissement a concentré ses recherches sur les architectures neuromorphiques.

Elles désignent une manière d’organiser le traitement des données. Les fameux réseaux de neurones profonds utilisés en ce moment sont remplacés par des réseaux de neurones « impulsionnels ». Ils s’inspirent du fonctionnement réel des neurones : l’information y est traitée selon des trains d’impulsions électriques dans le cerveau. « L’intérêt est de pouvoir “réveiller” les capteurs les plus gourmands en énergie uniquement si c’est nécessaire », explique Pierre Boulet, porteur de la chaire, professeur à l’Université de Lille au sein du pôle CriSTAL (Université de Lille/CNRS/Centrale Lille) et de l’IRCICA. Il en résulte une économie d’énergie substantielle. Autre avantage : les données n’ont pas besoin d’être « supervisées » par l’homme, ce qui réduit le coût du développement des applications. L’Université de Lille a fait de ce domaine scientifique une de ses spécialités. En 2019, elle a organisé les Journées nationales du calcul bio-inspiré, à l’occasion du GdR BioComp. En 2020, le projet Aprovis3D, dans le cadre de l’instrument CHIST-ERA, porté notamment par le pôle CRIStAL, et traitant des architectures neuromorphiques pour le contrôle de drones, a été retenu par l’Union européenne.

Les architectures neuromorphiques pour la vidéosurveillance

Cette technologie est ainsi au cœur de la chaire montée par Luxant Innovation, filiale de l’entreprise de sécurité privée Luxant Group spécialisée dans la recherche et l’innovation, en coopération avec l’I-Site ULNE (Université Lille Nord-Europe). La chaire LuxAnt-ANVI, pour « Architectures Neuromorphiques pour la VIdéoprotection », implique plusieurs acteurs académiques aux côtés de l’entreprise : le laboratoire CriSTAL, l’Institut de recherche sur les composants logiciels et matériels pour l’Information et la Communication Avancée (IRCICA), l’Institut d’électronique, de microélectronique et de nanotechnologie (IEMN) et le laboratoire de Sciences cognitives et sciences affectives (SCALab). Ensemble, ils financent à hauteur de 1,2 million d’euros la chaire, budget réparti à peu près en trois tiers entre l’entreprise, l’Université et la Métropole de Lille.

L’entreprise Luxant Innovation souhaite ainsi être un leader de la télésurveillance grâce à l’adoption de cette nouvelle technologie. « Il faut prendre le relais des technologies actuelles », assure Chekib Gharbi, directeur général de Luxant Innovation. Au-delà du gain financier et énergétique que promettent les réseaux neuromorphiques, l’entreprise souligne aussi la sécurité accrue de ce type de technologie. « Ces systèmes semblent plus efficaces comparés aux réseaux utilisant le deep learning », ajoute Chekib Gharbi. Pour l’instant, une partie des équipes académiques travaille sur des neurones et des synapses artificiels, pour tester certaines solutions. Les partenaires de la chaire prévoient ensuite d’évaluer ces algorithmes en situation réelle. D’abord dans les installations de Luxant, puis avec des partenaires. Des applications dans le retail et les gares sont envisagées. Les partenaires sont déjà en contact avec le pôle I-Trans pour essayer ces solutions dans des gares. Luxant souhaite disposer d’un prototype, à l’échelle 1, d’ici à trois ans.