Philippe Lénée, (Inrae) : « Nous avons mis en place des responsables des partenariats dans 18 centres »
Philippe Lénée, nouveau directeur des partenariats et du transfert pour l’innovation de l’Inrae
L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) est né le 1er janvier dernier. Fusion de l’Inra et d’Irstea, Inrae permet à l’hexagone de concentrer les recherches en matière d’environnement et d’alimentation. POC Media a interviewé Philippe Lénée, directeur du partenariat et du transfert pour l’innovation d’Inrae, sur ce que peuvent attendre les entreprises de ce nouvel institut. L’occasion de mieux comprendre les spécificités de la recherche collaborative dans ce secteur, et d’identifier les bons points d’entrées.
POC Media. Vous occupiez déjà le poste de directeur du partenariat de l’Inra. Quelles sont les caractéristiques de la stratégie de partenariat socio-économique de l’Inra ?
Philippe Lénée. Historiquement, la valorisation à l’Inra était très centré sur le dépôt de brevets, le transfert de technologies, et la concession de licences de brevets. A partir de 2016, il y a eu un changement. Nous avons orienté la stratégie de valorisation de l’Institut vers le partenariat socio-économique et le transfert pour l’innovation. La recherche collaborative permet de croiser les questions de recherche avec les besoins des entreprises et confronter plus rapidement les solutions technologiques aux marchés.
Pourquoi en 2016 ?
P.L. Longtemps, l’Inra s’est impliqué dans le développement et la diffusion des innovations et menait des projets de recherche jusqu’à des niveaux de maturité technologique assez au haut (TRL de 7 -8). Plus récemment, pour améliorer l’impact de nos recherches, nous avons souhaité développer des recherche partenariale avec les entreprises. Nous avions déjà commencé à travailler sur cette stratégie avec nos partenaires des instituts techniques agricoles ou agro-alimentaires, dans les instituts Carnot 3Bcar*, Qualiment, France Futur Elevage et Plant2Pro. Ou par exemple le cas avec Toulouse White Biotech, (centre dédié aux biotechnologies blanches), où nous avons avec des partenaires public et privés un démonstrateur pré-industriel et des espaces pour que les chercheurs puissent travailler avec les industriels.
Quels bilans tirez-vous de cette politique de partenariat ?
Nous avons obtenu une meilleure connaissance des problématiques de recherche des entreprises. Ça a été le cas par exemple sur les problématiques autour de l a méthanisation, que nous avons partagées avec GRDF. Nous avons pu monter des projets de recherche avec ce groupe sur l’utilisation agricole des effluents de méthaniseurs ou sur les cultures intermédiaires à valorisation énergétique .
A côté des nouveaux lieux emblématiques comme TWB, comment avez-vous attiré les entreprises vers l’Inra et Irstea ?
P.L. Nous nous posons régulièrement la question de comment faciliter ces collaborations. A partir de 2016, pour être visible des entreprises, nous avons structuré nos offres par domaine d’innovation, autour de grandes problématiques, comme le biocontrole animal ou végétal, l’agriculture numérique ou encore les microorganismes en alimentation et en santé humaine et animale. Une quinzaine de chargés de partenariat assurent la promotion et la visibilité de nos domaines d’innovation auprès de nos partenaires socio-économiques. Nous avons parallèlement mis en place des responsables des partenariats dans 18 centres, ce qui représente maintenant près de 60 personnes, pour aider la contractualisation avec les industriels. Cette politique en faveur de l’innovation a permis d’ augmenter de 30% les recettes de la recherche contractuelle avec le secteur privé.. Nous avons aussi soutenu très fortement la question du « mandataire unique » (voté dans le cadre de la loi PACTE), qui permet de désigner un seul représentant en charge des négociations de la propriété industrielle avec les industriels. Nous avons enfin mis en place un contrat type pour les contrats de recherche partenariale, très inspiré de la charte des Instituts Carnot*. Quatre Instituts Carnot sont portés par INRAE.
Quels sont les outils de contractualisation les plus efficaces selon vous ?
P.L. Pour travailler avec les entreprises, nous privilégions la mise en place de contrat-cadres. C’est au sein de ces contrats que les projets de recherche peuvent sortir. Nous en avons signé près de 50. Nous avons d’autres dispositifs de partenariats bien entendu, comme des unités mixtes technologique (UMT) avec les instituts techniques agricoles ou agro-alimentaires par exemple, ainsi que des LabCom, des GIS (Groupement d’intérêt scientifiques…Les démonstrateurs pré-industriels, comme TWB ou MetaGenoPolis, sont assez caractéristiques de nos outils pour développer la recherche collaborative.
Quelles sont les nouvelles priorités d’INRAE en matière de partenariat ?
P.L Nous souhaitons nous renforcer sur deux axes. Le premier concerne la pré-maturation de projets. Quand les TRL sont bas, comme au CNRS, il faut soutenir les POC très en amont, au niveau des laboratoires. Depuis 4 ans, l’institut a mis en place un programme de soutien à la pré maturation qui a permis de financer plus de 30 projets potentiellement innovants. Nous avons mis en place un appel à projets de pré maturation avec la Satt Ouest Valorisation en 2019 et comptons étendre ce concept d’appel à projets conjoints avec d’autres Satt sur nos domaines d’innovation en agriculture, en alimentation et en l’environnement . Nous avons mis des moyens dans la pré-maturation (3M€ depuis 4 ans).
Le deuxième axe est l’accompagnement à la création d’entreprises. Nous voulons encourager les doctorants et post doctorants de nos laboratoires à créer des start-ups. C’est un bon moyen de faire du transfert de technologies. Nous travaillons plus largement à sensibiliser les chercheurs à l’entreprenariat, par exemple en organisant des journées sur le thème de la création d’entreprise les « flashs parcours entreprenariat » avec les écoles d’ingénieurs, les SATT, et les pôles de compétitivité. Nous organisons également une session sur le partenariat de recherche et la création d’entreprise au Salon de l’agriculture cette année.
Quels sont les partenaires d’INRAE dans sa stratégie de valorisation ?
P.L. Dans notre accompagnement des chercheurs à créer leur start-up, nous collaborons étroitement avec les écoles d’ingénieurs en agronomie, les SATT, les pôles de compétitivité et et Bpifrance. INRAE est une organisation décentralisée, avec des actions de soutien à l’innovation au niveau régional en collaboration, notamment avec les pôles de compétitivité (IAR, Vitagora, Valorial, Végépolys, Agri Sud-Ouest Innovation…), les incubateurs régionaux (Incuballiance, Incubateur Lorain, Impulse…) et les Satt. Nous voulons aussi collaborer avec l’Inria sur l’agriculture numérique.
Propos recueillis par Florent Detroy
*Les Instituts Carnot.
Les Instituts Carnot sont des structures de recherche publique, labélisées par le ministère de la recherche, et destinés à favoriser les collaborations public/privé. Ils regroupent plusieurs laboratoires travaillant sur un même domaine de recherche au plan national. Ces structures sont financées par un abondement financier, du montant des contrats de recherche signés avec les entreprises. Il existe 38 Instituts actuellement.