Segula Technologies mise sur l’hydrogène maritime
La société d’ingénierie vient de créer un laboratoire commun avec l’Université de Lille et le CNRS. Le trio souhaite ainsi mener des projets de recherche pour lever plusieurs verrous freinant encore l’utilisation de l’hydrogène dans le transport maritime, sur courte et longue distance.
Le transport maritime s’est fixé des objectifs particulièrement ambitieux en matière environnementale. D’ici à 2030, le secteur doit réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre. D’ici à 2040, ce sera 80 %. Et, en 2050, le secteur doit atteindre la neutralité carbone. Comme le transport routier, le secteur maritime a commencé par améliorer ses carburants et les motorisations des navires, notamment pour se conformer à la réglementation. Depuis 2020, il a pour obligation de consommer un fioul moins chargé en soufre.
Poursuivre la désulfuration du fioul
Segula Technologies est engagée, depuis plusieurs années, dans le développement de nouvelles solutions techniques pour répondre à ces défis. Voilà près de dix ans que l’entreprise collabore avec l’Unité de catalyse et de chimie du solide (Université de Lille/CNRS/Université d’Artois/Centrale Lille), notamment sur le sujet de l’impact environnemental du transport maritime. « Nous voulions, dès le départ, travailler sur les carburants alternatifs. Ainsi, nous avons commencé à travailler avec l’UCSS sur la question de la désulfuration des fiouls. Puis, progressivement, nous avons découvert de nouvelles compétences dans le laboratoire, qui ont amené de nouveaux sujets de collaboration », explique Line Poinel, responsable recherche & innovation à Segula Technologies.
La constitution de Catamaren (CATAlysis for MARitime transport ENergy transition), le laboratoire commun tout juste annoncé et créé avec le laboratoire UCSS de l’Université de Lille et du CNRS, permet d’englober ces différents sujets. Le premier axe concerne la désulfurationdes carburants. L’ingénieriste pourra s’appuyer sur l’expertise de l’UCSS dans la catalyse, notamment dans la catalyse « hétérogène ». L’entreprise d’ingénierie souhaite aussi anticiper les évolutions à plus long terme, avec ce laboratoire, en étudiant le développement de la motorisation à hydrogène, principale solution technologique pour répondre aux enjeux d’ici à 2050.
Nouvelle motorisation
Peu dense, l’hydrogène a l’inconvénient de devoir être conservé sous forme liquide et à basse température (-252 °C) pour être embarqué sur des navires. Une méthode de stockage trop coûteuse et dangereuse. Une des solutions alternatives consiste à produire de l’hydrogène à partir d’autres gaz, plus facilement stockables, donc transportables. « Nous voyons émerger de nouvelles voies autour de l’ammoniac et du méthanol. L’ammoniac (NH3), c’est de l’hydrogène et de l’azote, et c’est un gaz plus facile à stocker », poursuit Line Poinel. L’ammoniac présente l’intérêt d’être liquéfiable à faible pression et à des températures plus élevées (-33 °C). Les recherches porteront ainsi sur l’exploitation de l’hydrogène contenu dans l’ammoniac, pour des trajets longue distance.
Le dernier axe de travail du laboratoire commun portera sur l’utilisation de l’hydrogène comme carburant, notamment pour des trajets de courte distance. Les technologies, telles que la décomposition thermocatalytique de l’ammoniac, seront étudiées.
Montée en TRL
Un des axes de recherche du laboratoire commun portera, entre autres, sur la réduction des coûts de production de l’hydrogène à partir d’ammoniac. Un important travail sera effectué sur les technologies de catalyse en elles-mêmes. « Actuellement, les catalyseurs utilisent des métaux précieux, comme le ruthénium. Nous souhaitons explorer d’autres voies, pour réduire la consommation de ruthénium », continue Line Poinel. Ce type de technologies alternatives n’en est toutefois qu’à ses balbutiements, et d’importants travaux doivent être menés. « Nous sommes tout au début de la montée en TRL, dans des TRL de 1 ou 2. L’objectif est de lancer ensuite des projets de plus grande envergure, comme les prototypes », confirme Line Poinel.
Ce laboratoire permet aussi d’accélérer la collaboration entre ces acteurs. « Grâce à ce laboratoire commun, nous pouvons surtout démarrer plus rapidement les projets. Il nous permet aussi de rencontrer des étudiants lors des cours proposés », souligne Line Poinel. La création de Catamaren permet enfin d’ouvrir des pistes de collaboration plus prospectives. Ce laboratoire favorisera l’étude, par exemple, l’utilisation du CO2 capté par le transport maritime.